Wednesday, December 21, 2011

Le vélo, nouvel accessoire de mode 2012-2013 fashion

A l'éternelle question: "Vous mettez quoi, les filles, dans vos énormes sacs?" Ariane apporte une réponse qui désarçonnerait plus d'un homme. Des profondeurs de son Jérôme Dreyfuss, cette blondinette de 31 ans aux yeux bleu pâle surlignés d'eye-liner extirpe, hilare, un "U", une minipompe et une chambre à air. Son vélo a beau être du genre "sportif", elle pédale régulièrement en compensées et en minijupe, "avec un cycliste noir American Apparel à bord dentelle dessous".  
Des filles comme elle, aux ongles laqués de gris taupe ou de bleu lagon, mais qui parlent mécanique ou échangent leurs souvenirs de la dernière ride Béret-Baguette -randonnée rétro qui a réuni récemment à Paris des pédaleuses en robe à fleurs et des garçons en marcel-, il y en a plein ce soir. Isa, jolie brune en slim et minisac à chaînette, on l'a repérée aussi quand elle a garé son pliant Motobécane seventies, avec panier en bambou sur le porte-bagages. "Mais j'ai aussi un pignon fixe, avec un cadre fluo années 1980, rapporté d'Australie", rigole la jeune femme. 
Ce soir, au Centre commercial, le concept store parisien des fabricants de baskets Veja, on fête la naissance d'Héritage, un nouveau "label" (sic)... de cadres de vélos artisanaux sur mesure, 100 % made in France.  
L'initiative émane de BiCyCle Store, un très chic magasin spécialisé. Une faune lookée admire les cadres, exposés comme des tableaux. Côté garçons, c'est un défilé de petits blousons, de lunettes à grosse monture, de sweat-shirts à capuche... Tous graphistes-DJ-webdesigners. Mais l'ambiance est joyeuse, pas snob pour un sou. A un détail près: dans la tribu des bike hipsters et des bikistas, on ne roulerait pour rien au monde en B'Twin Decathlon. Ou en Vélib' couleur fiente de pigeon. 
Pourquoi enfourcher un vélo lambda quand on peut pédaler avec style? Aujourd'hui, plus besoin d'aller à Amsterdam: on trouve en un clic les sacoches ou le casque à fleurs de ses rêves. Et des néo-boutiques de cycles ouvrent partout en France.  
Tout a basculé il y a trois ans, avec la vogue du "fixie", ce vélo de coursier new-yorkais sans freins ni roue libre, lui-même issu du pignon fixe, qui n'était rien de moins que le vélo traditionnel des vélodromes français. Au départ, cet engin à grand frisson attirait surtout les postados venus du skate. Depuis qu'il s'est doté d'un frein avant (devenu obligatoire), sa ligne épurée -un cadre, deux roues, un guidon droit- séduit les trentenaires des deux sexes.  
On en vend beaucoup chez En selle Marcel (Paris IIe), sublime temple du vélo urbain ouvert par Bruno Urvoy, un transfuge de la finance. Sur rendez-vous, comme chez un tailleur à l'ancienne, on choisit son cadre artisanal signé d'une grande marque française ou italienne, à laquer de la teinte de son choix; on sélectionne les pièces détachées dans des présentoirs vitrés. Même les pneus ou les chaînes sont proposés dans une incroyable palette, bleu Klein, jaune fluo... "Une voiture à Paris, ça n'a plus vraiment de sens", analyse Bruno Urvoy. "Certains reportent sur le vélo le côté statutaire de la voiture autrefois. Chez moi, ils trouvent l'équivalent d'une Fiat 500 dans une couleur originale, avec des tas d'options, pour 30 % plus cher qu'un beau vélo de série." 
Elitiste, le vélo 2011? Pas forcément. Vélo Vintage est une boutique-atelier très accessible, avec de la musique et des néons de couleur. Les deux jeunes associés, Hugo et Eddy, vendent "de la bonne came, mais pas des pièces de collection", provenant des stocks de magasins de cycles.  
Peugeot, Mercier, Gitane, Motoconfort, les 30-40 ans rachètent ici le vélo de leurs années lycée à prix doux (à partir de 80 euros). Dans la forêt de bicyclettes seventies vert pomme ou bleu électrique, on repère un minivélo Courrèges rose et blanc (350 euros). "On a plein de filles dans la clientèle. Elles veulent un vélo confortable... mais beau! Ici, la fille qui ne sait pas ce qu'est un dérailleur, on ne va pas la prendre de haut", explique Hugo.  
Dans ces boutiques de cycles, on peut parler moyeux Torpedo ou jantes Superchromix avec des passionnés, mais aussi faire réparer son vulgum Go Sport. Comme dans les années 1970, où chaque ville avait son artisan-fabricant, chaque quartier, son réparateur. Avant que la grande distrib' et ses vélos made in China ne provoquent une hécatombe comparable à celle qui a frappé les disquaires. Aujourd'hui, ces nouveaux commerçants de proximité se posent en défenseurs d'un savoir-faire passé à la trappe de la mondialisation. Amoureux du beau vélo qui dure, dans une civilisation du jetable, c'est toute une culture, liée à l'âge d'or du cyclisme français, qu'ils veulent revivifier. Et vu l'engouement du moment, ils pourraient bien y arriver...

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